À la découverte des châteaux emblématiques de Saint-Émilion : trésors du patrimoine viticole

La singularité des châteaux de Saint-Émilion découle d’abord d’un terroir complexe. Le plateau calcaire, la ceinture argilo-sableuse, les graviers sur les coteaux sud… façonnent une palette de sols qui influencent fortement chaque cru. Majoritairement plantée en merlot (environ 60 % du vignoble), suivie par le cabernet franc – localement appelé « bouchet » – et le cabernet sauvignon, l’appellation s’étend sur près de 5 500 hectares et compte quelque 800 propriétés (source : Conseil des Vins de Saint-Émilion).

• Un classement exigeant : Depuis 1955, Saint-Émilion bénéficie d’un classement spécifique, révisé régulièrement, qui évalue les crus sur des critères de qualité, de notoriété et de constance. Les titres de Premier Grand Cru Classé A et B constituent la distinction suprême.
• Un rayonnement mondial : Si seulement dix châteaux portent aujourd’hui le titre de Premier Grand Cru Classé A ou B, nombre d’autres propriétés contribuent à la renommée de l’appellation.

Jusqu’en 2021, quatre domaines occupaient le sommet du classement : Château Cheval Blanc, Château Ausone, Château Pavie et Château Angélus. Depuis le retrait d’Ausone, Cheval Blanc et Angélus (2021-2022), seuls Pavie et Figeac détiennent aujourd’hui ce titre suprême (classement 2022).

Château Pavie : la force du terroir calcaire

Situé sur le « plateau de Pavie », ce domaine – dont l’histoire viticole remonte à l’époque gallo-romaine – s’étend sur environ 37 hectares. Sa spécificité ? Des vignes enracinées dans des sols calcaires à astéries (débris fossilisés d’étoiles de mer) donnant des vins d’une densité, d’une énergie et d’une longévité remarquables.

• Propriété : Gérard Perse depuis 1998
• Cépages : 60 % merlot, 25 % cabernet franc, 15 % cabernet sauvignon
• Style : Opulent, puissant, d’une immense capacité de garde
• Anecdote : Un millésime 2010, noté 100/100 par Robert Parker, s’est vendu près de 350 € la bouteille en primeur.

Château Figeac : la grande dame à l’accent cabernet

Voisin de Cheval Blanc, Figeac brille par son originalité : ses 40 hectares de vignes sont plantés à parts égales de merlot, cabernet franc et cabernet sauvignon, un assemblage rare dans l’appellation. Les graves profondes de son terroir donnent élégance, droiture et fraîcheur aux vins, réputés pour leur capacité de vieillissement exceptionnelle.

• Propriété : Famille Manoncourt (depuis 1892)
• Cépages : 35 % merlot, 34 % cabernet franc, 31 % cabernet sauvignon
• Style : Raffiné, complexe, frais, souvent comparé à un médocain par sa structure

Derrière les deux « A », une poignée de châteaux arborent fièrement le statut B et rivalisent d’originalité et d’excellence, portés par une histoire, un terroir ou un style unique. Quelques noms à retenir :

• Château Canon : Perché sur le plateau calcaire, Canon (appartenant à Chanel depuis 1996) fait figure de modèle en matière de précision et de finesse. Le millésime 2015 a notamment été salué par la critique (James Suckling, 100/100).
• Château Troplong Mondot : Le plus élevé du secteur (110 m), reconnu pour ses vues imprenables, ses cuvées puissantes et charmeuses. Rénové en profondeur depuis 2017, avec un superbe restaurant.
• Château Beau-Séjour Bécot : Domaine familial dont les caves souterraines sont un labyrinthe saisissant (7 km de galeries !), donnant naissance à des vins harmonieux, élégants, de plus en plus recherchés.

Certains châteaux, sans porter de titre « A » ou « B », ont bâti leur légende sur la qualité constante de leurs vins et leur histoire singulière.

1. Château La Gaffelière : Présent depuis le Moyen Âge, toujours dans la famille Malet Roquefort, le domaine est une référence pour la pureté de son merlot et la fraîcheur de ses cabernets francs. Son chai, dessiné par Philippe Starck, mêle modernité et respect du passé.
2. Château Tertre Rotebœuf : François Mitjavile, figure singulière du vignoble, façonne ici l’un des plus grands vins de la rive droite. Très faible rendement (moins de 30 hl/ha), vendanges ultra-tardives… Le résultat : un Saint-Émilion flamboyant, atypique, soyeux, éminemment recherché par les amateurs.
3. Château Valandraud : Icône des « garagistes », ce micro-domaine créé par Jean-Luc Thunevin en 1991 a bousculé l’ordre établi en décrochant son statut de 1er Grand Cru Classé en 2012. Les vins se distinguent par leur puissance, leur richesse et leur aptitude à évoluer avec élégance.

À Saint-Émilion, chaque château raconte une trajectoire unique : certains s’inscrivent dans la tradition multiséculaire, d’autres misent sur l’innovation ou adoptent la biodynamie (plus de 10 % des surfaces bordelaises sont désormais concernées). Ce renouvellement se traduit par une grande diversité de profils et de styles :

• Château Fonplégade : Cru certifié bio depuis 2013, figure de proue de la biodynamie, apprécié pour son équilibre et sa fraîcheur.
• Château La Dominique : Connue pour son chai contemporain signé Jean Nouvel, le domaine conjugue tradition et audace architecturale. C’est aussi un haut-lieu de l’œnotourisme, avec son restaurant « La Terrasse Rouge ».
• Château Clos Fourtet : Forteresse du XVIIe siècle et l’un des plus beaux joyaux du plateau calcaire. Ses galeries souterraines, vestiges de carrières gallo-romaines, sont un must à visiter.

Découvrir les châteaux emblématiques de Saint-Émilion, c’est aussi s’ouvrir à mille expériences sensorielles :

• Visites guidées : Nombreux domaines organisent des circuits à la carte, de la découverte du vignoble à la dégustation verticale de vieux millésimes.
• Immersion dans les chais : De la gravité des caves du Château Villemaurine aux audaces contemporaines de La Dominique, Saint-Émilion offre une diversité architecturale rare.
• Patrimoine mondial : Le village, ses remparts, son église monolithe sculptée dans la roche, forment un écrin incomparable pour ces trésors viticoles.

Si Saint-Émilion brille par son passé et ses valeurs, il s’affirme aussi comme un laboratoire d’avenir : nouveaux propriétaires, innovations œnologiques, tourisme de plus en plus qualitatif, ou encore adaptation au réchauffement climatique – avec des essais sur de nouveaux cépages comme le castets ou le touriga nacional (source : Terre de Vins).

Connaître les châteaux emblématiques de Saint-Émilion, c’est donc explorer un patrimoine vivant, où chaque domaine puise dans la mémoire des terres pour imaginer les vins de demain. Entre traditions séculaires, audaces contemporaines et quête de finesse, Saint-Émilion n’a jamais cessé – et ne cessera pas – de fasciner amateurs et passionnés, génération après génération.